Introduction
“(…) l’objectif de ce livre n’est pas d’imaginer un futur dans lequel internet aurait changé toute la société. Ou plutôt, il est d’imaginer un futur dans lequel internet pourrait permettre de résoudre l’un des plus grands défis que nous ayons eu à affronter depuis Gutenberg : l’atteinte des limites planétaires. Comment internet peut-il contribuer à changer nos modes de production et nos modes de vie pour réduire notre empreinte environnementale ? Comment pourrait-on rediriger les formidables pouvoirs démontrés ces cinquante dernières années par les acteurs du numérique vers ces objectifs ?
Pour cela il nous semble essentiel de ne pas faire d’internet, des technologies ou des startups, le sujet du livre.
Si nous voulons essayer de dessiner ce qui se passera après, il est nécessaire de regarder tout d’abord ce qui s’est passé avant. De replacer internet dans un cycle plus long d’inventions, d’apprentissages et de savoir-faire. De comprendre en quoi les acteurs qui ont su exploiter radicalement les possibilités d’internet ont en réalité suivi un mode d’emploi qui précédait largement cette technologie (partie 1). En quoi suivre ce mode d’emploi les a conduits à perdre de vue le respect des plus élémentaires principes de précaution (partie 2). Ensuite seulement nous serons en mesure d’imaginer en quoi ces mêmes moteurs pourraient être activés dans l’objectif premier de, disons-le simplement, sauver la planète (partie 3).
Les acteurs d’internet se sont perdus : aidons-les à retrouver le chemin”.
Fin de la première partie (Avant la Tech)
“C’est dans ce contexte qu’en 1994, alors que le Roi Lion bat des records d’audience dans les salles du monde entier, un ingénieur issu du monde de la finance va fonder dans son garage (littéralement) une entreprise de e-commerce. À peine un Américain sur quatre dispose d’un ordinateur à la maison et les usages “en ligne” se limitent aux emails et quelques recherches. Le premier navigateur grand public, Mosaic, est sorti l’année précédente. Mais Jeff Bezos, c’est son nom, se fie aux chiffres de progression exponentiels du nombre d’utilisateurs. Il sélectionne parmi différents produits celui qui semble le plus adapté à la vente sur internet : le livre. La vente de livres répond à un problème utilisateur (il y a des lecteurs partout mais peu de librairies) et le produit est standardisé (numéro ISBN, formats faciles à stocker et transporter). Amazon - c’est le nom qu’il a choisi pour être en tête des annuaires alphabétiques qui existaient à l’époque - va sans aucune vergogne faire tomber de multiples tabous de l’édition : publier les commentaires des utilisateurs, transmettre les chiffres de vente en temps réel, autoriser la vente de livres d’occasion et même plus tard l’auto-édition.
Ce que l’on appellera plus tard révolution ou transition numérique n’est en réalité que l’application radicale des trois piliers de l’innovation décrits dans cette première partie : la résolution d’un problème (du bon) utilisateur, l’utilisation des technologies pour disrupter le statu quo, la recherche de scalabilité dès le début. Le monde d’après 1994 verra de nombreux autres piliers s’effondrer : multi-polarisation, baisse de l’influence des corps intermédiaires, hausse des émissions,... Les tech companies, fondées par des néo-entrepreneurs n’ayant aucun héritage à protéger ni rente à faire fructifier, s’engouffreront dans ces brèches à une vitesse inégalée en développant un nouvel art de la guerre. Moins de trois décennies plus tard, le “vieux monde” sera profondément transformé, dans une croissance que seules les limites planétaires semblent pouvoir arrêter.”
Partie 2 (La Tech) - Intro premier chapitre
“(…) C’est l’histoire de quelqu’un qui a réussi à devenir riche grâce à internet. Son nom - Pieter Levels - ne vous dira sans doute rien. Ce hollandais né en 1986 trouve des idées de business, les transforme lui-même en sites web, en fait seul la promotion et perçoit des revenus directement de la part des utilisateurs. Il gagne très bien sa vie en étant parti de rien et sans exploiter le travail des autres. Dingue, non ? Cerise sur le gâteau, Pieter profite de sa liberté pour mener une vie de digital nomad : il change de ville tous les mois et a inspiré des milliers de fans désireux d’imiter son style de vie.
Aussi belle soit la réussite de ce trentenaire, c’est la manière dont il a su tirer parti d’internet qui va nous intéresser. À la différence de l’ancien modèle brick and mortar, le numérique a été très tôt optimisé pour servir les utilisateurs finaux, offrir une grande capacité de disruption et de passage à l’échelle aux entrepreneurs. Même si n’avez aucune mise de fonds et travaillez depuis votre bungalow au Portugal. Vous le verrez dans cette partie, ce modèle est finalement peu lié aux technologies utilisées et beaucoup aux stratégies d’organisation et de croissance. Mais n’allons pas trop vite. Prenons le temps de faire connaissance avec Pieter.
Partie 2 - Conclusion